BAKIRAH

Le 23 juin 2023, Doja Cat revient toute de rouge dévêtue, avec le single ‘ Attention ‘. « Baby, if you like it / Just reach out and pet it / This one doesn’t bite / It doesn’t get aggressive / Show you how to touch it / Hold it like it’s precious / It don’t need your lovin’ / It just needs attention » , sont les paroles d’ouverture du nouveau titre. Difficile de faire plus explicite. Certains fans trop intrusifs, semblent être la cible de ce refrain qui à première vue semble juste être mignon. Maintenant, imagine-toi cette scène : Tu es dans une animalerie avec tes parents et tu vois un chiot trop mignon de l’autre côté de la vitre transparente et tout en le désignant du doigt avec enthousiasme, tu scandes : « C’est celui-là ! C’est lui que je veux ! ».

Tes parents, ne semblent pas très emballés par ton choix, mais chiffre d’affaires oblige, la conseillère ici présente sait quels mots employer pour réussir à vous faire partir avec le chiot que tu désires. C’est là qu’elle commence à te parler directement en te disant : « Ma puce, si tu l’apprécies, tu peux le caresser. Celui-là ne mort pas, il n’est pas agressif. Attends, je vais te montrer. Tiens le bien avec précaution. ». Maintenant en s’adressant aux parents : « Vous n’avez pas besoin de lui donner de l’amour, il réclame surtout beaucoup d’attention. »

Tu l’auras compris. De mon point de vue, certains auditeurs/fans ne semblent pas percuter qu’un artiste est avant tout un être libre. Doja Cat, c’est un nom de scène. Amala est quasi inconnue du grand public pour l’instant. Dans mon mini scénario, la vendeuse tient avant tout le rôle des maisons de disques. Toi (alias l’enfant) tu joues ton propre rôle, celui de fan ou de simple auditeur, tandis que les parents eux peuvent être vus comme la validation externe attendue (alias nos followers, ou proches…). Et bien sûr, l’être en cage est l’artiste dont il est question. Néanmoins, comme pour toute interaction de force, les rôles peuvent s’inverser à tout moment. La star a besoin des fans pour la pousser à continuer son travail, la motiver et nourrir son ego, tandis que les fans ont besoin de l’artiste pour pouvoir apprécier, critiquer et consommer son travail, tout en ayant la sensation d’avoir son destin entre leurs mains, ce qui fortifie également l’égo de la partie adverse.

Tout ceci me fait penser à la dialectique du maître et de l’esclave. Je n’en parlerais pas ici, mais c’est une idée philosophique intéressante d’Hegel, que je vous invite fortement à chercher à connaître.

À travers cette introduction qu’est le single ‘ Attention ‘ – qui ironiquement se trouve être la deuxième avant-dernière piste de l’album -, Doja Cat nous fait bien comprendre qu’elle en a plus qu’assez d’être à la disposition de tous ces faux fans et extrémistes. Fini d’avoir la tête dans les nuages pailletté de Planet Her, désormais elle nous ramène les pieds sur terre et bien encrés au sol avec SCARLET. Cinq singles, trois mois et un jour plus tard, l’album voit enfin le jour.

17 titres, 0 featuring & 57 minutes et 02 secondes, c’est ce qu’il a fallu à Doja Cat pour dire ce qu’elle avait à nous dire. Pour ceux qui l’ignorent, j’ai déjà fait un article sur elle, il y a de ça deux ans maintenant, lors de la sortie de son précédent album (une nouvelle tradition s’installe?). Voyez celui-ci comme un élément complémentaire à mes anciennes déclarations. Car comme souvent, lorsque je parle de musique, il ne s’agit pas juste d’évoquer l’album et ses chansons. Je pousse toujours la réflexion et l’analyse un peu plus loin, car je n’écris pas sur des personnes ou des sujets qui ne me passionnent pas. Et donc je n’arrive pas à rester en surface. Quoi qu’il en soit, entre juin 2021 et septembre 2023, il s’en est passé des choses entre Doja Cat et ses fans. Et pour les quelques-uns d’entre vous qui n’avez ni twitter (X), ni Instagram et ni Threads, ne vous inquiétez pas Doja Cat évoque tout ça dans son album et notamment dans les deux premiers et les trois dernières chansons.

Elle prend un assez grand virage à 270°, et ce, pour mon plus grand plaisir. Je me doutais que non seulement ce nouvel album serait génial, mais que surtout viendrait un temps où elle finirait par en avoir marre de faire des morceaux comme ‘ Say So ‘ ou ‘ Kiss Me More ‘ (bien que pour moi, ils sont géniaux, qu’importe ce qu’elle en dit), car selon le théorème de Bakirah (oui, oui ce théorème existe), une artiste extrêmement talentueuse + un public qui se croit tout permis + un ras-le-bol emmagasiné depuis trop longtemps + une work team creative de fou malade, ça équivaut forcément à une métamorphose artistique et humaine grandiose et originale dans les mois ou les années qui suivent.

Ce que j’ai le plus apprécié et ce que j’apprécie toujours dans cette nouvelle ère, c’est que tout est habilement coordonné ! Scarlet a réellement utilisé tout l’espace disponible pour faire passer son mécontentement et revendiquer son art ainsi que sa personnalité. De pirater les comptes officiels de Doja pour changer en version rouge les covers de ses albums et e.p précédents, à utiliser ses propres peintures pour le clip de ‘ Paint the Town Red ‘, en passant par faire un live YouTube de plusieurs heures devant des fans curieux pour célébrer le décompte de la sortie officiel de l’album. Pour moi, c’est ouf ! Tout ça fait que je ne peux que respecter Amala Ratna Zandile Dlamini, de son vrai nom.